mercredi 26 novembre 2014

Bébé tombé dans la Garonne : « Il lui a dit qu’elle ne reverrait plus jamais sa fille »

La mère de Yumi, la fillette tombée vendredi dans la Garonne, a fui Bordeaux. La ville où elle a vécu jusqu'à l'été dernier est devenue un cauchemar pour elle. « On ne peut passer un pont ni regarder le fleuve. On se dit qu'elle est là, quelque part, seule, au fond, dans le noir. » Improvisée porte-parole de la famille maternelle, Angélique, la tante de Yumi, est évidemment effondrée par cette disparition brutale.
Mais elle raconte aussi en quelque sorte la chronique d'un drame annoncé. Les siens n'ont repris pied avec la réalité des faits que lundi. « Nous nous sommes d'abord enfermés. » Dans leur chambre d'hôtel, dans leur chagrin et dans leur incrédulité. « Nous étions incapables de lire la presse ou de regarder la télévision. »

Sans nouvelles de Yumi

Angélique ne voudrait pas que sa sœur cadette paraisse la « méchante de l'histoire ». « Si elle vit maintenant à La Rochelle, c'est parce qu'en juillet, après la décision de rupture, elle a été mise à la porte de chez elle. Elle a dormi à droite et à gauche, et a finalement trouvé un logement et un travail, deux conditions essentielles pour récupérer la garde de sa fille. »
"Mais il lui a dit qu'elle ne reverrait plus jamais sa fille"
« Elle n'est pas la mère qui abandonne, maltraite ou néglige son enfant, telle que certains l'ont décrite », plaide Angélique. « Ma sœur est une fille douce, posée, discrète, parfois naïve, qui adore les enfants. » Elle en a fait son métier et a produit cet été de nombreuses attestations élogieuses de parents satisfaits de son comportement avec leurs enfants. Elle n'a d'ailleurs pas pu reprendre son travail auprès d'un garçonnet. « Ç'aurait été trop dur de le serrer dans ses bras
La séparation conjugale aurait été difficile pour le père de Yumi. « Il était fou d'amour pour ma sœur, reconnaît Angélique. Mais il lui a dit qu'elle ne reverrait plus jamais sa fille. » C'est ce qui s'est passé, puisque la jeune femme n'avait plus de nouvelles de Yumi depuis le mois d'août. « Et tous, nous lui avons demandé d'être patiente, on faisait confiance à la justice », regrette Angélique.
"Notre première réaction a été de ne pas y croire"
Elle était en plein dîner d'anniversaire, dans le Var où elle réside, quand la mère de Yumi l'a appelée, vendredi soir. « Notre première réaction a été de ne pas y croire. De penser qu'il voulait lui faire du mal et qu'il avait en fait confié Yumi à un tiers pour ne pas la rendre à sa mère. C'était tellement inconcevable. Puis nous avons eu les pompiers et police secours au bout du fil. Vers minuit, après plusieurs heures de recherches, on a perdu tout espoir de la retrouver vivante. »
Dimanche, Anthony Gaudry, qui bénéficie toujours de la présomption d'innocence à ce stade de la procédure, a été mis en examen pour homicide volontaire et incarcéré. Sacrifice à deux pas de l'ancien domicile parental ? Meurtre parfait maquillé en accident sans témoin ? La qualification pénale pour le moment retenue par la justice était « importante pour nous ».

Instrumentalisation

Même si elle n'a pas souvent vu Yumi, c'était sa nièce. « Ma sœur m'envoyait des photos. Mes enfants ont une cousine, elle était très concrète pour nous. On était sûrs de la voir à Noël après la décision du juge aux affaires familiales. » L'attribution de la garde de l'enfant à la mère serait, selon la justice, le mobile du crime.
« Ni la justice ni les services sociaux n'ont pris la mesure du danger que courait l'enfant en restant avec son père »
La famille maternelle de Yumi est dévastée par le drame. Et en colère. « Ni la justice ni les services sociaux n'ont pris la mesure du danger que courait l'enfant en restant avec son père », accuse Angélique. C'est même elle qui, lundi, a dû annoncer que Yumi était tombée dans la Garonne à l'employée de la PMI (protection maternelle infantile) qui leur avait fixé un rendez-vous pour « faire un point sur le dossier ».
« Toute leur histoire, ce n'était pas un accident, gronde Angélique. Le père avait imposé sa volonté d'interdire tout contact entre ma sœur et sa fille par mesure de rétorsion après une rupture conjugale qu'il refusait d'admettre. » Elle en veut aussi aux proches du père qui, selon elle, « plutôt que le raisonner, l'ont conforté dans ses divagations ».
« Depuis le départ, il a instrumentalisé sa fille, en a fait un objet dont il s'est débarrassé », déplore Me Hélène Poulou, l'avocate de la mère de Yumi, très à l'écoute de sa cliente. « En la laissant tomber dans la Garonne, il a privé sa famille du corps et de sépulture. Ils ne pourront jamais lui dire au revoir. »

http://www.sudouest.fr/2014/11/26/on-ne-peut-plus-regarder-le-fleuve-1748134-1391.php

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