mardi 5 août 2014

Accident de plongée mortel au Cap-Ferret : le directeur du club laisse éclater sa colère

On a raconté beaucoup de saloperies sur Franck et son club depuis le drame, c'est assez abject. » La mère de famille de la presqu'île vient récupérer sa petite fille qui brandit son précieux diplôme. « Les locaux sont toujours là, nous soutiennent, mais on morfle », enrage dans un souffle Franck Mazeaud. « Je m'en fous de tout ça, je ne gagne même pas le salaire d'un smicard en temps normal et je ne fais pas ça pour l'argent. Le plus terrible, c'est qu'une femme a perdu la vie. »
 
Le 27 juillet aux alentours de 13 heures au large du restaurant Chez Hortense, Isabelle Rivaud décroche de la palanquée dont elle fait partie et qui se trouve à une profondeur de 8 mètres 70. Un groupe de quatre plongeurs, deux débutants (niveau 1), deux confirmés (niveau 2) encadrés par un professionnel. La quadragénaire est titulaire du Niveau 1, obtenu dans un club de Corse l'année précédente. En quelques secondes, elle disparaît. Son corps à 12 mètres sous l'eau et quelques dizaines de mètres plus loin, sera retrouvé vers 18 heures.
 
J'estime que la fédération et la direction nationale de la cohésion sociale ne font pas leur boulot
Une semaine plus tard, c'est toujours l'abattement au club Hippo de Grand-Piquey, structure qui a pignon sur rue depuis plus de dix ans. La structure et ses encadrants ont été mis hors de cause par l'enquête et l'autopsie du corps d'Isabelle Rivaud. Mais après s'être tu malgré les sollicitations, Franck Mazeaud veut laisser éclater sa colère : « Isabelle a été assassinée en Corse il y a un an » (1).
Et de dénoncer les conditions de formation que certains « expédient sans vergogne pour faire plus de fric. Le carnet de plongée d'Isabelle était vide, il y a juste le tampon du niveau 1, pas un renseignement sur sa progression, les conditions d'obtention de ce niveau 1, rien ! » Le patron d'Hippo est catégorique : « Isabelle n'a pas gonflé son gilet, n'a pas largué son lestage, ces gestes de base qu'un plongeur de niveau 1 doit avoir quand il est correctement formé et qu'elle n'a pas observé. Isabelle n'avait pas ce niveau parce qu'elle a été formée par des mercenaires. On a bradé une vie. »
Selon lui, la plongeuse décédée avait obtenu ce niveau 1 en trois séances de 20 minutes, alors que « nous consacrons six séances de 2 heures avec 45 minutes dans l'eau pour chacune. » Sa vindicte ne cible pas que les pratiques sur l'Île de beauté, elle vise aussi sur le Bassin « les clubs de plongée au ‘‘cul-du-camion'', sans structure, sans locaux, avec des statuts associatifs où les prétendus formateurs n'ont pas le niveau. »
 
« On met la vie des gens en danger »
À ses côtés, Charly Texier est un plongeur formateur indépendant qui fait sa première saison chez Hippo. « J'arrive de Corse justement et je suis parti parce que j'en avais marre de la manière dont ça se passait », témoigne-t-il. « On met la vie des gens en danger. » Au moment du drame, le jeune homme effectuait des baptêmes sur ce quasi unique spot de plongée, quand les eaux sont basses. « On a écrit beaucoup de choses effarantes après l'accident », note-t-il à l'intention des médias et de ceux qui les commentent. « Cet endroit est l'un des plus sécures, tout le monde s'y trouve. Mais tout le monde n'y travaille pas de la même façon… »
Les deux collègues réclament plus de contrôles sur ces activités à risques, classées comme la haute montagne et le canyoning. « J'estime que la fédération et la direction nationale de la cohésion sociale (2) ne font pas leur boulot », enrage Franck Mazeaud. « Et nous vivons des catastrophes comme celles-ci. En onze ans, je n'avais jamais vécu d'accident mortel. »
« Dans le Sud-Est, ces structures de plongée qui ne respectent pas les règles au nom du fric n'existent pas ou plus », note Charly Texier. « Les professionnels sont regroupés et empêchent leur prolifération, et les contrôles sont plus draconiens. » Dans son combat naissant pour alerter les autorités et les consciences sur ces dérives, Franck Mazeaud a un allié fort et symbolique : Christophe Rivaud, le mari de la défunte. Plongeur confirmé, il se trouvait dans le groupe de sa femme dans la sortie d‘exploration du 27 juillet dernier.
(1) D'après la vice-procureure saisie du dossier, et les gendarmes chargés de l'enquête, le club corse est en règle.
(2) Direction nationale de la cohésion sociale qui a en charge également la jeunesse et les sports.

http://www.sudouest.fr/2014/08/05/on-a-brade-une-vie-1633326-4585.php

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire