samedi 8 février 2014

Suicide à la prison d'Angoulême : le père sous le choc et sceptique

Lunettes fumées sur les yeux, Luis grille clope sur clope. Dans le bureau de son entreprise à Puymoyen, il n’a plus la tête aux affaires. Luis vient de perdre son fils. Aurélien avait 30 ans. Il était encore dernièrement serveur dans un bar d’Angoulême. Il est mort jeudi au petit matin dans la cellule de la maison d’arrêt d’Angoulême où il était incarcéré en attendant d’être jugé, le même jour dans l’après-midi, en comparution immédiate. "Suicide", selon les premiers éléments de l’enquête ouverte par Patrice Camberou, le procureur de la République (lire CL d’hier).
Lors d’une ronde, vers 6h10, un gardien s’est inquiété de ne pas voir Aurélien par l’oeilleton de la cellule. Il a réveillé son codétenu, lui a demandé de chercher. C’est ce codétenu qui a retrouvé le jeune homme, inanimé, pendu avec son drap à une tringle de douche. Un scénario que Luis a du mal à encaisser. "Comment une tringle de douche a pu tenir alors que mon fils pèse 100 kilos, interroge Luis. Et comment se fait-il que le codétenu n’a rien entendu?"

Depuis jeudi matin, depuis que son avocat lui a annoncé la mort de son fils aîné, Luis pose encore et encore des questions. Et attend des réponses. Ces réponses, c’est l’enquête ouverte par le parquet pour "recherches des causes de la mort" qui devra les lui apporter. "Moi, je compte porter plainte pour faire la lumière sur le décès de mon fils. Pour faire mon deuil, il faut que je sache", dit le chef d’entreprise, père meurtri. Son avocat, Lionel Béthune de Moro, est plus prudent: "Attendons les conclusions de l’enquête de recherches des causes de la mort, nous aviserons ensuite."
L’autopsie pratiquée dès jeudi sur le corps d’Aurélien a confirmé une mort par pendaison. "Et toutes les investigations menées le confirment. Le codétenu a été entendu, les lieux ont été gelés dès la découverte du corps. Il ne manque plus que les résultats de l’analyse toxicologique", dit Patrice Camberou. "Pourtant, mon fils n’était pas suicidaire. Dans ce dossier, il était bien décidé à se battre", affirme le père d’Aurélien. Son fils avait déjà effectué quatorze mois de détention en 2006 et 2007 dans le cadre de la mort d’un portier de la discothèque Le Tic-Tac à Mornac. Condamné pour homicide involontaire à Angoulême, il avait été relaxé en appel. "Sa détention s’était bien passée et il n’appréhendait pas une nouvelle incarcération, dit Luis. Il avait plein de projets. Il était même en train de racheter un bar dans le vieil Angoulême."
 
150 grammes de cocaïne mais deux perquisitions
Le jeune homme avait été interpellé samedi soir à Angoulême dans le quartier de Saint-Martin alors qu’il circulait à vive allure. Sur lui, les policiers avaient retrouvé quelques grammes de cocaïne. À l’origine, il était poursuivi pour conduite sans permis et sous emprise de stupéfiants. Une première perquisition dimanche à son domicile du quartier Victor-Hugo n’avait pas permis de trouver quoi que ce soit. Mais lors d’une deuxième perquisition mardi, les enquêteurs spécialisés du groupe stupéfiants du commissariat d’Angoulême ont découvert 150 grammes de cocaïne et 4 000 euros dans l’appartement. "Cette deuxième perquisition a eu lieu après que d’autres personnes ont été entendues par les policiers. Au moins trois autres personnes ont les clés de l’appartement", dénonce Luis, le père, convaincu que les 150 grammes de cocaïne ont été déposés dans l’appartement entre les deux perquisitions alors que son fils était en garde à vue.
"Ce point est un élément fort du dossier, appuie Me Lionel Béthune de Moro. Aurélien contestait être le propriétaire de cette drogue et nous demandions des expertises ADN sur la drogue, des recherches d’empreintes." C’est pour permettre ces expertises que Aurélien et ses avocats comptaient demander un délai supplémentaire pour préparer leur défense. "Mon fils était un consommateur, pas un dealer", tonne Luis. Une thèse que ne partage pas le procureur, pour qui le deal "est avéré". "Même auprès de mineurs." Sur la saisie de stupéfiants, il a une explication toute simple: "La première perquisition a été effectuée par un policier qui n’a pas forcément l’habitude des affaires de drogue, dans le cadre d’une procédure pour conduite sous l’emprise de stupéfiants. Les policiers du groupe stups ont pris la main ensuite. Ils sont bien plus aguerris à ce genre d’affaires." Et de préciser: "Cet appartement était fermé par une serrure trois points. Ce n’était pas un squat ouvert aux quatre vents."
Hier en fin de journée, Luis et sa famille ont pu se recueillir auprès du corps d’Aurélien. Il sera inhumé dans les prochains jours à Angoulême.

http://www.charentelibre.fr/societe/famille/

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