mercredi 6 novembre 2013

Lille : un étudiant de l’EDHEC grièvement blessé, ses parents dénoncent un bizutage

Trois vertèbres et une cheville cassées. De nombreuses opérations passées ou à venir. Au moins trois mois de rééducation et d’arrêt de scolarité. Et de possibles séquelles. Ces graves blessures, Stéphane (prénom modifié), 20 ans, les a subies dans la nuit du 17 au 18 octobre. L’étudiant en 1ère année à l’EDHEC, une école de commerce de Croix, est retrouvé vers 4 h, gisant dans une cour d’immeuble de la rue de Valmy, dans le centre de Lille. Il est tombé d’une hauteur importante du bâtiment. Comment ? On l’ignore pour l’instant. Stéphane ne se souvient plus de rien. Une chose est sûre, la chute s’inscrit dans un contexte alcoolisé particulier. « Notre fils a été victime d’un bizutage », dénoncent les parents de Stéphane. Le jeune homme confirme des actes humiliants et dégradants.
La soirée était organisée par Course-croisière, prestigieuse association de l’EDHEC, qui prépare chaque année une régate considérée comme le plus grand événement étudiant d’Europe. Les 2e année intégraient les nouveaux adhérents de 1ere année. Une admission après un marathon d’une dizaine d’entretiens, parfois en pleine nuit et dans des bars. Seuls la vingtaine d’heureux élus sont conviés à ce bouquet final. Le mail d’invitation prévient : « Le temps des rires et des larmes est arrivé. »
Dans l’immeuble de la rue de Valmy où ne vivent que des étudiants de l’EDHEC, l’intronisation débute dans la cave. Puis les impétrants sont répartis par pôle dans les appartements. Stéphane intègre la « logistique » avec huit autres nouveaux « courseux », au 2e étage. Là, les anciens leur scotchent au poignet des bouteilles de 50 cl remplies d’alcool : vodka, whisky et pastis. Une contrainte est exercée pour tout boire, soulignent les parents de Stéphane : « Ils étaient forcés sous peine de tatane (petite claque derrière la tête). Ils étaient en situation de fragilité face à des 2e année qui ont un pouvoir psychologique et de pression. » Les 1ere année sont aussi enjoints de manger des restes de croque-monsieur. Placés en cercle et torse nu, les garçons doivent baisser leur pantalon et s’agenouiller.
Stéphane ne se souvient pas de la suite. « On veut que la lumière soit faite sur ce fait dramatique et que chacun assume ses responsabilités, réclament les parents. Notre fils est passé à deux doigts de la mort. C’est intolérable de pousser à l’alcoolisation extrême. Le bizutage est une pratique inacceptable, ça doit s’arrêter ! » Stéphane a été auditionné par la police. Rentré chez son père, dans le Sud-Ouest, il compte porter plainte.

« Ce type de pratique est inacceptable »

Le président de Course-croisière EDHEC, Alexandre Sauvage, a confirmé finalement ce scénario. « Dans cet appartement, la soirée était organisée par le pôle logistique de Course-croisière, précise-t-il, je n’y étais pas, mais j’ai interrogé les participants. » Qui ont évoqué des bouteilles scotchées aux poignets, et des pantalons baissés… « Apparemment, les 1ere année ont été incités à boire. » Et Alexandre Sauvage analyse : « Quelque chose de grave s’est passé. On est encore dans l’émotion de ce qui est arrivé à Stéphane, même si rien n’indique que la chute soit liée à la consommation d’alcool. Ce type de pratiques est inacceptable. Si j’avais été là, j’y aurais mis fin. En tant que président, je veux comprendre. Si ces pratiques sont avérées, il y a aura des sanctions et une réflexion pour empêcher qu’elles se reproduisent. Elles vont à l’encontre des valeurs de Course-croisière, une association de passionnés de voile qui fait rêver près de 3000 personnes chaque année. »

LE COMITÉ NATIONAL CONTRE LE BIZUTAGE SAISIT LE MINISTÈRE

Marie-France Henry, présidente du Comité national contre le bizutage, est formelle : « Il n’y a pas d’ambiguïté, cette affaire gravissime est un bizutage. » Elle a saisi le ministère de l’Enseignement supérieur : « C’est pris très au sérieux. » Ironie de l’histoire, Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur, est marraine de Course-croisière. Marie-France Henry appelle à des « sanctions exemplaires contre les organisateurs de la soirée. Ce n’est pas parce que c’est l’élite qu’ils ont tous les droits et peuvent faire n’importe quoi. »

 http://www.lavoixdunord.fr/region/lille-un-etudiant-de-l-edhec-grievement-blesse-ses-ia19b0n1674178

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